Plus qu'une chronique, un hommage.
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- Serenade for the renegade
- When God created the coffee break
-...
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Apprenant aujourd'hui la sortie de "leucocyte", album du trio suédois Esbjörn Svensson Trio, ma joie a fait une chute radicale en apprenant que ce serait le dernier. En effet, le pianiste Esbjorn Svensson du groupe éponyme est mort le 14 juin 2008 d'un accident de plongée sous-marine dans l'archipel de Stockholm, ce que j'ignorais totalement.
Pour ceux qui ne connaitraient pas ce trio, il s'agit d'un des groupes de jazz majeur de cette dernière décennie. Il se composait de :
* Esbjörn Svensson (piano et claviers)
* Dan Berglund (contrebasse)
* Magnus Östrom (batterie et percussions)
De leur premier album en 1993, intitulé : "When Everyone Has Gone" A ce dernier album, enregistré avant la mort du pianiste, le groupe a conquis des territoires musicaux allant bien au delà du jazz et un public large et mondial. De nombreuses récompenses à travers le monde leurs ont été attribué, dont la victoire du jazz en france.
Bien au delà du jazz donc. Bien au dessus. Non pas meilleurs que les autres mais au dessus du genre. Le jazz n'étant que le nom de la porte qu'ils ont choisi d'ouvrir pour découvrir le territoire de la sensation musicale pour y tracer leur propre chemin. Chaque détour donnant lieu à un point de vue magistral, intense émotionnellement parlant.
L'émotion offerte librement bras tendu, tête baissée, par le pianiste, pièce maîtresse du trio, m'amène à évoquer, nue, ma rencontre avec EST. Pour être franc, c'est EST qui, un jour, a fait la musique que j'avais toujours voulu entendre sans jamais la trouver: une émotion juste et fragile provenant de nulle part et partout à la fois. Une musique qui est dans l'exactitude de la description des sentiments. Qui en est la vibration exacte. Cette musique, je l'ai découverte pour la toute première fois à Saint Malo, en parallèle de la route du rock me semble t il, pendant l'été 2003. Ce jour là , j'ai enfin découvert cette musique. A chaudes larmes.
Alors non, les morceaux d'EST ne sont pas tous d'une émotion décrivant une tristesse ou une émotion menant aux pleurs. Loin de là. Beaucoup sont plus classiques, d'autres sont franchement joyeux. Mais le piano est toujours exacte dans sa description. Le batteur et le contrebassiste, loin de seulement "'accompagner", font corps avec le tableau musical. Et leurs touches sont essentielles. A trois, ces gars là occupent largement le paysage sonore. Une musique propice à la rêverie comme on les aime. Comme on les cherche.
Personnellement - et ce n'est pas le cas de tous les morceaux - c'est lorsque la musique d'E.S.T. se place sur des terres éthérées assise sur les plages de la mer mélancolie que je chavire le plus. Parfois sur Terre, parfois sur l'eau. Peut-être tout simplement est-ce un sentiment suédois naturel, eu égard à la vision quotidienne de paysages enneigées, EST décrivent à la perfection des ambiances éthérées. Cette capacité à l'abstraction, Esjborn Svensson la mettra à contribution dans un album ou il officiera avec la chanteuse norvégienne Sidsel Endresen pour délivrer des morceaux inclassables.
Plus tard, je retrouvais avec beaucoup de groupes de post-rock, ce qui me plait le plus parmi ce que peut faire EST :ces incursions dans des territoires de l'abstraction et de la mélancolie, dans le retournement de l'intérieur vers l'extérieur. Une chevauchée parallèle, ancrée dans la modernité, par delà les styles, se fait pour moi entre EST et les groupes de post rock.
En bon explorateur des abîmes, Esbjorn Svensson est mort en plongée. Mais la musique d'E.S.T.est et restera résolument contemporaine pour un bout de temps.